L’affaire Indépendance de la Cour suprême devant la Cour de justice: réflexions sur “l’indispensable liberté des juges”

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Abstract: The Court of Justice recently delivered its June 2019 judgment in Commission v. Poland (24 June 2019, case C-619/18, Independence of the Supreme Court [GC]). The Court upheld the principle of effective judicial protection embodied in Art. 19 TEU, building on its previous February 2018 judgment in Associação Sindical dos Juízes Portugueses (ASJP) (judgment of 27 February 2018, case C-64/16 [GC]). In doing so, the Court of Justice consolidated the case law on Art. 19 TEU by defining the scope of that provision and stressing its fundamental role in preserving judicial independence which, in turn, is central to the rule of law enshrined among other values in Art. 2 TEU. This Insight revisits the Independence of the Supreme Court judgment and concludes by highlighting that the nomination process of Court of Justice judges warrants some transparency in order to advance the rule of law which the Court itself seeks to uphold.

Keywords: rule of law – effective judicial protection – irremovability of judges – judicial independence – age of retirement – extension of the term of the office.
 

I. Introduction

Rarement manquement aura autant attiré l’attention que celui constaté par la Cour de justice, à l’encontre de la Pologne, dans une décision rendue par la grande chambre, le 24 juin 2019, Indépendance de la Cour suprême.[1] Outre que les juges de Luxembourg sont conduits, pour la première fois sur la base de l’art. 258 TFUE, à se prononcer sur la compatibilité avec le droit de l’Union d’une mesure prise pour l’organisation du système judiciaire d’un Etat membre,[2] l’affaire n’est banale à aucun titre, à commencer par le contexte dans lequel elle s’inscrit, d’un délitement de l’état de droit en Pologne.[3] La circonstance explique que la procédure judiciaire se double d’une procédure politique, intentée par la Commission contre la Pologne sur la base de l’art. 7 TUE.[4]

Introduit dans le droit primaire par le traité d’Amsterdam[5] et modifié par celui de Nice,[6] l’art. 7 TUE a pour objet de contraindre un Etat, en cas de menace de violation ou d’atteinte avérée aux droits et libertés fondamentaux, à se conformer aux obligations qu’il a souscrites en devenant membre de l’Union. Disposition “morte” pour les uns,[7] “option nucléaire” pour d’autres,[8] cette procédure n’est encore jamais allée à son terme. On peut douter que tel soit jamais le cas, les majorités requises au Conseil étant très difficiles à atteindre (majorité des 4/5èmes en cas de “risque clair de violation grave” des droits fondamentaux,[9] unanimité en cas de violation avérée).[10] De fait, dans le cas polonais, une décision constatant une violation grave et persistante des valeurs visées à l’art. 2 TUE est d’autant moins probable “que plusieurs gouvernements, à commencer par le Gouvernement hongrois, ont déclaré qu’ils s’y opposeraient, le cas échéant”.[11] On ne s’étonnera pas, en conséquence, que la Hongrie, elle-même sous le coup de la procédure de l’art. 7,[12] soit venue en soutien de la Pologne, dans la présente espèce; et on relèvera qu’elle est venue seule. L’impossible usage de l’art. 7, que l’on analysera comme de la faiblesse ou de la lâcheté,[13] rend d’autant plus significatif, et digne, l’arrêt de la Cour. Pour le dire autrement, face à la frilosité du discours politique, l’intervention du juge de Luxembourg est un signal difficile à ignorer et, pour reprendre la formule d’Henry Labayle, “un itinéraire nouveau susceptible de troubler l’indifférence [des Etats membres]”.[14]

II. Historique de la procédure

Le présent litige trouve son origine dans la loi polonaise sur la Cour suprême (Sąd Najwyższy), adoptée en décembre 2017, qui, d’une part, abaisse l’âge du départ à la retraite des juges de cette Cour, en appliquant la mesure à ceux nommés avant le 3 avril 2018, date d’entrée en vigueur du texte, et, d’autre part, accorde au président de la République le pouvoir discrétionnaire de prolonger l’activité desdits juge au-delà de l’âge de retraite nouvellement fixé. Estimant cette loi, et celles subséquentes qui l’ont modifiée, contraire aux dispositions combinées de l’art. 19, par. 1, second alinéa, TUE et de l’art. 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Commission, après envoi à la Pologne d’une lettre de mise en demeure et d’un avis motivé restés sans effet, a décidé de saisir la Cour, sur le fondement de l’art. 258 TFUE, d’un recours en manquement. Par une première ordonnance, du 15 novembre 2018, le président de la Cour a décidé, à la demande de la Commission, de soumettre l’affaire à la procédure accélérée, soulignant qu’une réponse à bref délai était de nature, “aux fins de la sécurité juridique, dans l’intérêt tant de l’Union que de l’État membre concerné, à lever les incertitudes portant sur des questions fondamentales de droit de l’Union et ayant notamment trait à l’existence d’éventuelles ingérences dans certains droits fondamentaux que garantit ce dernier ainsi qu’aux incidences que l’interprétation de ce droit est susceptible d’avoir en ce qui concerne la composition même et les conditions de fonctionnement de la juridiction suprême dudit État membre”.[15]

Par acte séparé, et dans l’attente de l’arrêt au fond, la Commission a également introduit une demande de mesures provisoires, au titre de l’art. 279 TFUE et de l’art. 160, par. 2, du règlement de procédure de la Cour de justice, visant notamment à suspendre l’application des dispositions contestées et à exiger de la Pologne qu’elle s’abstienne de toute nouvelle nomination en remplacement des juges atteints par le nouvel âge de mise à la retraite. En vertu de l’art. 160, par. 7, du même règlement, la Commission a en outre demandé l’octroi des mesures “avant même que la partie défenderesse n’ait présenté ses observations en raison du risque immédiat de préjudice grave et irréparable au regard du principe de protection juridictionnelle effective dans le cadre de l’application du droit de l’Union”.[16] Par ordonnance du 19 octobre 2018, la vice-présidente de la Cour a provisoirement fait droit à cette seconde demande, jusqu’au prononcé de l’ordonnance qui mettrait fin à la procédure de référé.[17] Entorse au principe du contradictoire,[18] la solution est suffisamment rare pour être soulignée, et plus encore dans une affaire dans laquelle est en cause le droit à un procès équitable.[19] Par une seconde ordonnance, du 17 décembre 2018, la Cour (réunie cette fois en grande chambre) a fait droit à la demande de mesures provisoires de la Commission, jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à l’affaire;[20] elle a confirmé en tous points l’ordonnance du 19 octobre, mettant à la charge de la Pologne une série très précise de mesures, dont la suspension de l’application de la loi contestée. Comme il a été souligné en doctrine, avec beaucoup de finesse, “la fermeté impérative et la précision chirurgicale de ce qui est ‘ordonné’ ici à la Pologne en termes d’action ou d’abstention contraste évidemment – ce qui est l’un des paradoxes du référé dans le cadre du manquement – avec l’impossibilité pour la Cour quand elle statue au fond, d’adresser des injonctions à l’État condamné. En effet, si le manquement est avéré, la Cour se limite à ‘déclarer et arrêter’ le fait que le manquement incriminé est bien constitué”.[21]

Avant d’évoquer plus avant, dans l’arrêt au fond, le différend opposant les parties, la Cour règle deux questions préalables à toute affirmation de compétence.

La première, examinée rapidement, concerne le maintien de l’objet du litige. La Pologne soutenait en l’espèce que, du fait de la modification de sa législation en cours d’instance, le recours n’avait plus de raison d’être. Conformément à une jurisprudence constante, la Cour estime, rejoignant la position de la Commission dans sa requête, que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de l’état de la situation “au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour”.[22] Or, souligne-t-elle, il est constant qu’à la date d’expiration du délai, les dispositions de la nouvelle loi sur la Cour suprême étaient toujours en vigueur. Il s’ensuit qu’il y a lieu, pour la Cour, comme le souligne également fermement l’avocat général dans ses conclusions,[23] de statuer en l’espèce.

La seconde question est réglée par la Cour par prétérition: en acceptant de connaitre du recours formé par la Commission, elle tranche en effet, nécessairement mais sans l’évoquer, le point de savoir si l’existence d’une procédure engagée sur le fondement de l’art. 7 TUE exclurait sa compétence pour statuer en la même cause (ou une cause voisine). [24] La solution, conforme aux conclusions de l’avocat général Tanchev en l’affaire,[25] doit être fermement approuvée. En effet, les art. 7 TUE et 258 TFUE ne sont pas formulés de telle manière qu’ils s’excluraient mutuellement. On peut au contraire penser que les deux procédures, l’une politique (art. 7 TUE), l’autre judiciaire (art. 258 TFUE) sont distinctes et complémentaires, comme le sont par exemple, entre elles, les voies de droit instituées par les traités.[26] Cette interprétation s’impose d’autant plus que c’est sans doute par la combinaison de sanctions de “basse intensité”[27] que l’Union européenne pourra amener la Pologne à une attitude plus conforme aux valeurs affirmées par l’organisation. Et la nécessité est impérieuse d’y parvenir.

Il serait faux de croire, en effet, que la remise en cause de l’état de droit en Pologne (ou dans un autre Etat) puisse demeurer sans conséquence à la fois dans l’Union et dans les autres Etats membres. Qu’il prenne la forme, imagée, de la guirlande clignotante, dont une lampe s’éteint,[28] ou du mur dont une brique vient à manquer et qui menace de s’effriter,[29] c’est toujours l’effet domino que l’on craint ici et la “contamination” de proche en proche.[30] Pour le dire autrement, l’atteinte au principe d’indépen­dance d’un tribunal de l’Union, a fortiori lorsqu’il s’agit de la Cour suprême d’un grand Etat, constitue une menace pour l’Union dans son ensemble et pour les Etats qui en sont membres. Comme l’affirme la Cour, dans la décision commentée, l’adhésion à l’organisation impose aux Etats qui y ont “librement et volontairement consenti”, de respecter les valeurs qu’elle promeut, prémisse qui implique et justifie le principe de confiance mutuelle qui l’irrigue tout entière.[31] Que l’une des boucles de la chaine vienne à manquer et c’est le système dans son ensemble qui vacille. De la confiance des juridictions entre elles dépend en effet la libre circulation des jugements, le bon fonctionnement du mandat d’arrêt[32] ou encore celui de la question préjudicielle, c’est-à-dire, plus généralement, le maintien de l’espace judiciaire commun; l’absence d’un tel espace pourrait même, par effet de contagion, atteindre le marché intérieur, en entamant la confiance des opérateurs:[33] on le voit, les conséquences d’une seule défection peuvent être dévastatrices. Comme il a été souligné à très juste titre, “l’état de droit n’est pas une option dans l’Union européenne. C’est une obligation”.[34]

III. Portée du recours

La Commission demandait en l’espèce à la Cour de constater la violation de l’art. 19 TUE lu à la lumière de l’art. 47 de la Charte. La Pologne estimait à l’inverse que ni l’une, ni l’autre disposition n’avait vocation à s’appliquer en l’espèce, “l’organisation de la justice nationale constitu[ant] une compétence exclusivement réservée aux États membres, de telle sorte que l’Union ne saurait s’arroger des compétences en cette matière”.[35] La Cour va trancher le débat au terme d’une démonstration très didactique fermement appuyée sur sa propre jurisprudence.

Pour débuter son analyse, la Cour rappelle, avec particulièrement d’insistance, et tout à la fois, l’existence, dans l’Union, de valeurs communes que “chaque État membre partage avec tous les autres États membres, et reconnaît que ceux-ci partagent avec lui”, l’existence également d’une confiance mutuelle et d’un ordre juridique propre à l’Union, dont la cohérence et l’unité sont préservées par un système juridictionnel dont le renvoi préjudiciel est la clef de voute.[36] Dans ce contexte, brossé à grand renfort d’arrêts majeurs (en particulier 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) et 6 mars 2018, Achmea),[37] la Cour souligne que “l’art. 19 TUE, qui concrétise la valeur de l’État de droit affirmée à l’art. 2 TUE, confie aux juridictions nationales et à la Cour la charge de garantir la pleine application du droit de l’Union dans l’ensemble des États membres ainsi que la protection juridictionnelle que les justiciables tirent de ce droit”.[38]

Fondant ses développements subséquents sur cette disposition centrale, elle souligne d’abord que le principe de protection juridictionnelle effective, auquel se réfère l’art. 19 TUE, constitue “un principe général du droit de l’Union” découlant des traditions constitutionnelles communes aux États membres et désormais affirmé à l’art. 47 de la Charte.[39] Elle rappelle ensuite, s’agissant de son champ d’application matériel, que l’art. 19 TUE, “vise les ‘domaines couverts par le droit de l’Union’, indépendamment de la situation dans laquelle les États membres mettent en œuvre ce droit, au sens de l’art. 51, par. 1, de la Charte”.[40] Il en résulte que si l’organisation de la justice relève bien de la compétence des États membres, ces derniers sont tenus, dans l’exercice de cette compétence, de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union et, en particulier, de l’art. 19 TUE. Ainsi, comme le souligne la Cour, “en exigeant des États membres qu’ils respectent ainsi ces obligations, l’Union ne prétend aucunement exercer elle-même ladite compétence ni, partant, et contrairement à ce qu’allègue la République de Pologne, s’arroger celle-ci”.[41]

Appliquant plus particulièrement son raisonnement au cas d’espèce, la Cour, s’appuyant toujours sur les jurisprudences Associação Sindical dos Juízes Portugueses et Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), poursuit en soulignant que l’art. 19 TUE impose que les juridictions nationales, chargées de la mise en œuvre du droit de l’Union, satisfassent aux exigences d’une protection juridictionnelle effective. Telle est à l’évidence le cas pour la Cour suprême de Pologne: dès lors que cette juridiction peut être appelée tant à appliquer qu’à interpréter le droit de l’Union, la préservation de son indépendance, au titre de ces exigences, est “primordiale”.[42] Pour le dire autrement, avec le même souci que la Cour de réitérer son propos, l’exigence d’indépendance, “inhérente à la mission de juger, relève du contenu essentiel du droit à une protection juridictionnelle effective et du droit fondamental à un procès équitable, lequel revêt une importance cardinale en tant que garant de la protection de l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et de la préservation des valeurs communes aux États membres énoncées à l’art. 2 TUE, notamment la valeur de l’État de droit”.[43]

Outre l’épanadiplose (la Cour, partie de l’art. 2 TUE sur les valeurs y revient au terme de son analyse), on relèvera le choix des juges de statuer sur le recours qui leur est soumis par la Commission “au regard de l’art. 19 UE”. La solution, “élégante et cohérente”, selon les termes de l’avocat général Tanchev,[44] reprend celle adoptée dans l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses:[45] elle ne saurait donc surprendre. Elle n’en a pas moins été discutée. Même si sa position a évolué à l’audience,[46] la Commission soutenait ainsi dans sa requête, outre l’applicabilité en la cause de l’art. 19 TUE, celle de l’art. 47 de la Charte en tant qu’il garantit le droit fondamental à un procès équitable qui lui-même requiert l’indépendance des juges.[47] L’avocat général Tanchev adoptait la position inverse, affirmant explicitement, dans ses conclusions, que l’art. 19 TUE était seul applicable en l’espèce, tandis que l’art. 47 de la Charte ne l’était pas, la Commission n’ayant avancé “aucun argument” à l’appui de son applicabilité.[48] Adoptant le même parti, avec une expression moins tranchée cependant, la Cour se fonde sur le seul art. 19 TUE pour conduire son raisonnement, mais en invoquant à diverses reprises l’art. 47 de la Charte à titre d’argument d’appui. Ainsi souligne-t-elle qu’en application de l’art. 19 TUE, tous les États membres ont l’obligation d’établir les voies de recours propres à assurer une protection juridictionnelle effective, “au sens notamment de l’art. 47 de la Charte, dans les domaines couverts par le droit de l’Union”[49] ou encore que la préservation de l’indépendance d’une instance comme la Cour suprême de Pologne est primordiale “ainsi que le confirme l’art. 47, deuxième alinéa, de la Charte, qui mentionne l’accès à un tribunal ‘indépendant’ parmi les exigences liées au droit fondamental à un recours effectif”[50] (nous soulignons).

La position est habile. Elle offre, d’une part, à la Cour une base de compétence élargie (le champ d’application matériel de l’art. 19 TUE, tel qu’interprété par l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses, est plus étendu que celui de l’art. 47 de la Charte)[51] sans l’obliger à renoncer à se référer, à titre subsidiaire, aux droits protégés par la Charte. Elle lui permet, d’autre part, de contourner l’obstacle que représente le protocole n°30 annexé aux traités sur l’application de la Charte à la Pologne (et au Royaume-Uni).[52] La Cour peut en effet affirmer que ce protocole “ne concerne pas” l’art. 19 TUE et rappeler “au demeurant, qu’il ne remet pas davantage en question l’applicabilité de la Charte en Pologne et n’a pas pour objet d’exonérer la République de Pologne de l’obligation de respecter les dispositions de la Charte”.[53] Il convient toutefois, comme l’a souligné à raison l’avocat général Tanchev dans ses conclusions du 20 juin 2019, dans l’affaire Commission c. Pologne (Indépendance des juridictions de droit commun), “de faire preuve de prudence lorsque l’art. 47 de la Charte est invoqué directement pour éclairer la protection qui concerne l’État de droit prévu à l’art. 2 TUE, ainsi que l’inamovibilité des juges et le droit à un tribunal indépendant et impartial découlant de l’art. 19, par.e 1, second alinéa, TUE, du moins dans des situations où un État membre ne met pas en œuvre le droit de l’Union au sens de l’art. 51, par. 1, de la Charte, malgré l’inévitable recoupement entre ces deux dispositions dû aux sources communes”.[54] Habileté n’est pas rouerie.

IV. Examen au fond

Sur le fond, la Cour examine tour à tour les deux griefs soulevés dans sa requête par la Commission à l’encontre de la Pologne.

IV.1. La retraite anticipée

Le premier grief, auquel la Cour ne consacre pas moins de 37 par.es, reproche à l’Etat polonais, du fait de l’abaissement par la loi de l’âge de départ à la retraite des membres de la Cour suprême, “d’avoir méconnu le principe d’indépendance des juges et, en particulier, le principe d’inamovibilité de ceux-ci”.[55] Pour l’estimer fondé, la Cour commence par rappeler que le principe d’indépendance des juges comporte deux aspects. L’un, d’ordre externe, requiert que l’instance concernée exerce ses fonctions “en toute autonomie”, sans lien hiérarchique ou de subordination et sans recevoir d’ordres ou d’instructions, pour être protégée de toutes interventions ou pressions susceptibles d’influer sur ses décisions.[56] L’autre, d’ordre interne, vise l’égale distance des juges par rapport aux parties et “exige le respect de l’objectivité et l’absence de tout intérêt dans la solution du litige en dehors de la stricte application de la règle de droit”.[57] La Cour poursuit en soulignant que l’ “indispensable liberté des juges” requiert certaines garanties de nature à protéger les intéressés, telle l’inamovibilité.[58] Sans être absolu, ce principe, qui exige notamment que les juges puissent demeurer en fonction tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge de la retraite, “ne peut souffrir d’exceptions qu’à condition que des motifs légitimes et impérieux le justifient, dans le respect du principe de proportionnalité”.[59] En outre, et tout autant, la mesure prise par l’Etat ne doit pas être de nature “à susciter des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de la juridiction concernée à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent”.[60] Comme le met en relief l’Avocat général Tanchev dans ses conclusions en l’espèce, s’appuyant sur l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Denisov c. Ukraine, du 25 septembre 2018, relatif à la révocation d’un juge de sa fonction de président de la cour administrative d’appel de Kyiv, “les apparences peuvent revêtir de l’importance, de sorte qu’ ‘il faut non seulement que justice soit faite, mais aussi qu’elle le soit au vu et au su de tous’. Il y va de la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer au justiciable”.[61] Ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce, estime la Cour. Certes, admet-elle, une mesure d’abaissement de l’âge du départ à la retraite n’est pas illégitime en soi, lorsqu’elle procède de la volonté d’harmoniser, pour toutes les catégories professionnelles, cet âge de départ ou d’optimiser la structure d’âge des personnels d’une institution. Des “doutes sérieux” existent cependant quant à l’objectif réellement poursuivi en l’espèce par l’autorité polonaise qui semble bien davantage, observe la Cour de justice, relever d’une volonté de “mise à l’écart d’un certain groupe de juges” de la Cour suprême.[62]

A l’appui de son affirmation, la Haute juridiction fait valoir une série d’arguments méthodiquement développés. Elle relève ainsi que les mesures prises ont affecté, de manière immédiate, près d’un tiers des membres de la Cour suprême. C’est dire, comme l’avait souligné la Commission dans sa requête, et que le souligne à son tour la Cour, “l’impact potentiellement considérable de la réforme en cause sur la composition et la continuité fonctionnelle du Sąd Najwyższy (Cour suprême)”.[63] De même la Cour avance-t-elle, pour étayer sa démonstration, l’absence de mesures de transition, contraire au principe de proportionnalité,[64] ou encore le caractère “anticipé et définitif” de la mise à la retraite des juges polonais.[65] Elle en déduit que la mesure contestée n’est “pas justifiée par un objectif légitime” (ce qui est moins acceptable encore que si l’objectif avait été légitime mais poursuivi selon des moyens non adéquats). Elle en conclut que son application “porte atteinte au principe d’inamovibilité des juges qui est inhérent à leur indépendance”.[66]

Cette conclusion est sans appel (dans tous les sens que revêt cette expression): on aurait aimé que la Cour n’ait jamais eu à la prononcer. A l’espérance suscitée par l’adhésion des anciens pays de l’Est à la Communauté européenne fait place aujourd’hui le désappointement d’un retour en arrière, vers des pratiques qu’on aurait souhaité révolues. De la réponse qu’on leur apportera, et celle de la Cour mérite d’être saluée, dépend sans doute en partie l’avenir de l’Union. On n’aura garde d’oublier toutefois que les périls que l’on dénonce à juste titre - montée des nationalismes, multiplication des démocraties illibérales – ont des causes sur lesquelles l’Europe a le devoir de s’interroger. L’Union ne saurait en effet se contenter de stigmatiser ou de sanctionner les Etats défaillants (politiquement ou économiquement) sans s’interroger sur ses responsabilités dans la survenue des crises qui les traversent. Comment penser, pour le dire autrement, que les options (économiques et politiques) et les actions conduites par une union d’Etats, fondée sur un ordre juridique propre, auquel ses membres ont abandonné une partie de leur souveraineté, n’aient aucune part dans les épreuves (ou dans les succès) que ces Etats peuvent connaître ?

IV.2. Prolongation du mandat

Le second grief avancé par la Commission à l’encontre de la Pologne concerne la possibilité, reconnue au Président de la république par la loi controversée, de prolonger la carrière des juges et d’intervenir ainsi dans “les conditions de déroulement et de cessation de la carrière de ceux-ci”.[67] Si, une nouvelle fois, cette possibilité n’est pas en soi suffisante pour conclure qu’il est porté atteinte au principe d’indépendance, encore faut-il s’assurer que ses conditions de mise en œuvre sont telles “qu’elles ne puissent pas faire naître, dans l’esprit des justiciables, des doutes légitimes quant à l’imperméabilité des juges concernés à l’égard d’éléments extérieurs et à leur neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent”.[68] Or, estime la Cour à juste raison, les modalités d’application de la loi polonaise ne satisfont pas à ces prérequis. En effet, le pouvoir que cette loi reconnait au Président de la république revêt un caractère discrétionnaire et les décisions qu’il arrête ne peuvent faire l’objet d’un recours juridictionnel.[69] En outre, l’intervention du conseil national de la magistrature, prévue par la loi, ne saurait, tel que cet organisme fonctionne, contribuer à l’objectivation du processus; comme le relève notamment la Cour, les avis que le conseil a rendus à ce jour étaient peu ou pas motivés et donc “pas de nature à pouvoir contribuer à éclairer de manière objective le président de la République dans l’exercice du pouvoir dont il se trouve investi”.[70]

La position ainsi adoptée doit être fermement approuvée, car, à l’évidence, le mécanisme mis en place par la loi polonaise est, comme la doctrine l’a relevé, un pur “trompe-l’œil”,[71] impuissant à dissimuler la subjugation des tribunaux locaux au pouvoir exécutif. On relèvera, avec beaucoup d’insistance également, que le parti qu’elle retient oblige la Cour à respecter, pour elle-même, un haut degré d’exigence, sous peine de perdre en crédibilité. A la fois les arguments qu’elle avance à l’appui de ses décisions et le modèle qu’elle donne à voir se doivent d’être exemplaires. Pour le dire autrement, puisqu’elle est, comme la Cour suprême polonaise, un institution judiciaire de (très haut) rang, comment imaginer que la Cour de Luxembourg puisse opposer à une autre juridiction un argument qu’elle estimerait, dans les mêmes conditions, lui être inapplicable ou lui imposer une règle qu’elle ne respecterait pas elle-même ? On prendra, pour s’en convaincre, une illustration tirée de l’espèce.

La Pologne faisait valoir, au soutien de la conformité de sa loi au droit de l’Union, que “des modèles similaires” de prolongation de l’exercice de fonctions judiciaires au-delà de l’âge normal de la retraite existeraient dans d’autres États membres et, surtout pour ce qui nous concerne ici, que “le renouvellement d’un juge de la Cour de justice de l’Union européenne dépendrait, lui aussi, de l’appréciation discrétionnaire du gouvernement de l’État membre dont relève l’intéressé”.[72] La Cour se contente de répondre, sur le second élément, qu’ “à la différence de magistrats nationaux qui sont nommés jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge légal de la retraite, la nomination de juges au sein de la Cour intervient, ainsi que le prévoit l’art. 253 TFUE, pour une durée déterminée de six années. Par ailleurs, une nouvelle nomination à un tel poste d’un juge sortant requiert, en vertu de cet art., et à l’instar de la nomination initiale de celui-ci, le commun accord des gouvernements des États membres, après avis du comité prévu à l’art. 255 TFUE”.[73] L’argument, qui tient sur un unique par.e de l’arrêt, est loin d’être convaincant, balayé qu’il est pourtant également par l’avocat général dans un (lui aussi) unique point de ses conclusions.[74] Certes, la qualité de juridiction internationale peut expliquer que des aménagements soient nécessaires dans la composition et le fonctionnement des juridictions concernées, pour tenir compte notamment des équilibres géographiques ou de la représentation des différents systèmes de droit; il n’est donc pas exclu que le régime qui leur est applicable s’écarte, dans une certaine mesure, de celui qui vaut dans l’ordre interne.[75] Certes également, l’art. 253 TFUE requiert, d’une part, la nomination des membres de la Cour d’un “commun accord” (le juge n’étant pas celui de “son” Etat et ne pouvant être démis de ses fonctions que par la Cour elle-même)[76] et, d’autre part, l’intervention, avant toute nomination, du “comité 255” aux fins d’avis.

Toutefois, s’agissant en premier lieu de ce comité, son intervention n’est prévue que depuis le traité de Lisbonne, ce qui en fait une pratique de fraiche date:[77] la critique est aisée, mais l’art est difficile. Ensuite, même si les avis de ce comité ont toujours été suivis jusqu’à présent,[78] il n’y a là aucune obligation juridique, au mieux un usage qui pourrait devenir une coutume. Enfin, si son fonctionnement est connu, grâce aux rapports qu’il publie, la pratique du comité demeure des plus opaques et rien n’est su des candidatures ou des candidats, les avis n’étant pas rendus publics; comme on l’a souligné à juste titre, tel est “le point le plus critique du fonctionnement du comité”.[79]

S’agissant en second lieu du “commun accord” des Etats membres, chacun sait qu’il n’a pas le même sens pour la désignation des membres de la Cour que pour celle des membres de la Commission (qui donne lieu à de véritables négociations): les propositions soumises par un Etat, au poste de juge, sont toujours acceptées par les autres. On ne sait nullement, en outre, comment ces propositions sont faites, en France notamment, où aucune procédure officielle n’existe. La doctrine critique depuis longtemps ce manque absolu de transparence.[80] Enfin, pour les juges de la Cour comme pour ceux des juridictions nationales, la question du caractère adéquat d’un mandat renouvelable se pose. Sans entrer dans les détails d’un débat de longue date, qui n’est pas évident à trancher, on fera simplement valoir qu’un “un juge en situation de solliciter (ou d’espérer) le renouvellement de son mandat est par la force des choses moins indépendant que son collègue dont les fonctions prendront nécessairement fin à l’issue de son mandat”.[81] Sans doute cela explique-t-il, au moins en partie, que les juges de la Cour européenne des droits de l’homme soient, depuis l’entrée en vigueur du protocole n° 14 en 2010, nommés pour un mandat de 9 ans non renouvelable (il était antérieurement de 6 ans et renouvelable).[82]

Il faudra donc sans doute, on le voit, une évolution des pratiques à la Cour de justice, pour renforcer le poids de sa parole: comme il a été finement analysé, à l’égard du juge français, mais le propos est transposable aux juridictions de l’ordre international, l’application de l’art. 6, par. 1, de la Convention européenne des droits de l’homme a conduit à “un recentrage de l’institution judiciaire” dont le point d’équilibre est passé “de l’Etat aux justiciables […]. Dans ce contexte, le principe de l’indépendance du juge, construit initialement pour le protéger de l’ingérence des autres pouvoirs, l’interpelle en retour sur ses pratiques professionnelles et sur la qualité des réponses qu’il apporte aux attentes, de plus en plus pressantes et exigeantes des justiciables”.[83] Dans ce droit fil, la question (sensible) de savoir si les conditions de nomination, ou de renouvellement, du mandat des juges de la Cour de justice satisfont totalement à ces exigences, ne devrait pas/plus être éludée. La mise en abyme est vertigineuse et les perfectionnements encore à écrire.

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European Papers, Vol. 4, 2019, No 3, European Forum, Insight of 25 November 2019, pp. 823-837
ISSN 2499-8249 - doi: 10.15166/2499-8249/324

* Professeur de droit, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ipingel@univ-paris1.fr.

[1] Cour de justice, arrêt du 24 juin 2019, affaire C-619/18, Commission c. Pologne [GC].

[2] Pour un exemple de question dans le même domaine, sur la base préjudicielle, v. l’affaire C-585/18, A.K. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), qui met une nouvelle fois en cause la loi polonaise sur l’organisation judiciaire, et les conclusions de l’avocat général Tanchev présentées le 27 juin 2019 dans cette affaire (arrêt non rendu à ce jour).

[3] Pour une analyse particulièrement sombre de la situation en Pologne et de la “mort silencieuse” de la Cour suprême, v. T. Koncewicz, Farewell to the Separation of Powers. On the Judicial Purge and the Capture in the Heart of Europe, in Verfassungsblog, 19 juillet 2017, verfassungsblog.de. Sur ce que ce recul de l’état de droit ne touche pas seulement l’Europe, mais s’étend par exemple à l’Amérique latine (tant le Venezuela que Saint Domingue ont quitté la Cour inter-américaine des droits de l’homme, v. C. Dubost, V. Bru, Rapport d’information 1299 de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale sur Le respect de l’état de droit au sein de l’Union européenne, 10 octobre 2018, p. 27, www.assemblee-nationale.fr.

[4] V. communication COM(2017) 835 final du 20 décembre 2017 présentée par la Commission, Proposition motivée conformément à l’art. 7, par. 1, du Traité sur l’Union européenne concernant l’état de droit en Pologne (risque clair de violation grave), ec.europa.eu.

[5] Pour un premier commentaire, v. par ex. I. Pingel, La garantie politique des droits fondamentaux, in F. Sudre, H. Labayle (dir.), Réalités et perspectives du droit communautaire des droits fondamentaux, Bruxelles: Bruylant, 2000, p. 429 et seq.

[6] Sur les modifications, v. I. Pingel, Art. 7, in I. Pingel (dir.), De Rome à Lisbonne. Commentaire art. par art. des traités UE et CE, Basel: Helbing Lichtenhahn Verlag, Paris: Dalloz, Bruxelles: Bruylant, 2010, p. 37 et seq.

[7] Selon les termes du ministre des affaires étrangères polonais cités par D. Kochenov, Art. 7: Un commentaire de la fameuse disposition ‘morte’ , in Revue des affaires européennes, 2019, p. 33.

[8] V. J.M. Barroso, Discours sur l’état de l’Union, 2012, p. 11, europa.eu.

[9] V. art. 7, par. 1, TUE.

[10] V. art. 7, par. 2, TUE.

[11] V. C. Dubost, V. Bru, Papport d’information, cit., p. 61.

[12] V. Résolution 2017/2131(INL) du 12 septembre 2018 du Parlement européen relatif à une proposition invitant le Conseil à constater, conformément à l’art. 7, par. 1, du traité sur l’Union européenne, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée.

[13] Sur la nécessité d’une réaction face à la situation en Pologne, v. par ex. D. Sarmiento, The Polish Dilemma, in Despite our Differences, 17 juillet 2017, despiteourdifferencesblog.wordpress.com. Dressant un parallèle entre la situation de la justice polonaise et la collaboration à l’ère franquiste, l’auteur conclut: “The complacent lawyers of today will say: “oh well, the Polish judiciary is under a formal rule of law and its judges apply rules of law, so what can we do?” But our children will know, just as Spanish lawyers know today about their elders, that shameless collaboration has many dark faces, and that the moral price attached is way higher than the profits of complacency”.

[14] H. Labayle, Winter is coming: la Hongrie, la Pologne, l’Union européenne et les valeurs de l’Etat de droit, in ELSJ, 26 septembre 2018, www.gdr-elsj.eu, p. 13. Sur ce que la Cour ne saurait, cependant, agir seule et sur les différents moyens d’action complémentaires, qui vont de la proposition de règlement de la Commission sur la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’État de droit dans un État membre (du 2 mai 2018) à la résolution du Parlement sur la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux (du 25 octobre 2016), v. C. Dubost, V. Bru, Rapport d’information 1299, cit., p. 69 et seq., ou G. Delledonne, Homogénéité constitutionnelle et protection des droits fondamentaux et de l’État de droit dans l’ordre juridique européen, in Politique européenne, 2016, p. 101 et seq., renvoyant notamment au débat sur l’opportunité d’une “démocratie militante”.

[15] V. Cour de Justice: ordonnance du président de la Cour de justice du 15 novémbre 2018, affaire C-619/18, Commission c. Pologne; arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 25 et 23.

[16] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 18 et 19.

[17] V. Cour de Justice: ordonnance de la vice-président de la Cour de justice, affaire C-619/18 R, Commission c. Pologne, non publiée; arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 20.

[18] Pour plus de détails sur la question, v. I. Pingel, Le principe du contradictoire devant la Cour de justice des Communautés européennes, in J.-M. Sorel, H. Ruiz-Fabri (dir.), Le principe du contradictoire devant les juridictions internationales, Paris: Pedone, 2004, pp. 55-56.

[19] En ce sens, v. A. Rigaux, Comm. 463, in Europe, 2018, qui juge la décision sur ce point “relativement paradoxal[e]”.

[20] V. ordonnance Commission c. Pologne, affaire C-619/18 R, cit. et arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 22.

[21] V. A. Rigaux, Comm. 463, cit. Sur les pouvoirs de la Cour en matière de manquement, v. égal. I. Pingel, ‘Confiance, méfiance, défiance’ ou la passionnante évolution de l’art. 260 du TFUE, in Revue trimestrielle de droit européen, 2019, à paraitre.

[22] V. par. 30, renvoyant notamment à Cour de justice, arrêt du 6 novembre 2012, affaire C-286/12, Commission c. Hongrie, par. 41.

[23] V. conclusions de l’avocat général Tanchev, A.K. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), cit., par. 44 et seq.

[24] Pour une analyse des termes du débat et des positions doctrinales, v. par ex. Editorial Comments, Safeguarding EU values in the Member States – Is something finally happening ?, in Common Market Law Review, 2015, p. 619 et seq., sp. pp. 626-627.

[25] Conclusions de l’avocat général Tanchev, présentées le 11 avril 2019, affaire C-619/18, Commission c. Pologne, par. 48- 51.

[26] Cour de justice, arrêt du 25 juillet 2018, affaire C-216/18 PPU, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) [GC], par. 61, va dans le même sens. Comme l’a souligné la Cour en l’espèce, les informations figurant dans la proposition motivée concernant la Pologne (adressée par la Commission au Conseil sur le fondement de l’art. 7, par. 1, TUE) “constituent des éléments particulièrement pertinents” aux fins de l’évaluation, par l’autorité judiciaire d’exécution d’un mandat d’arrêt européen (ici l’autorité irlandaise) de “l’existence d’un risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable, lié à un manque d’indépendance des juridictions dudit État membre [ie la Pologne], en raison de défaillances systémiques ou généralisées dans ce denier État”. Loin de s’exclure, les procédures au contraire se renforcent.

[27] Selon les termes de R. Tinière, La délicate question de la détermination des sanctions pour violations de l’Etat de droit, in Revue trimestrielle de droit européen, 2019, p. 304.

[28] V. Jourova, Speech at the High level seminar: Finland 100 years – Finnish and European perspectives to the Rule of Law, 31 october 2017, ec.europa.eu.

[29] V. J. Jaraczewski, Age is the limit? Background of the CJEU case C-619/18 Commission v Poland, in Verfassungsblog, 28 Mai 2019, verfassungsblog.de.

[30] Sur l’ensemble de la question, v. le très bel art. de L. Pech, K. Scheppele, Illiberalism Within: Rule of Law Backsliding in the EU, in Cambridge Yearbook of European Legal Studies, 2017, p. 3 et seq.; K. Lenaerts, Dinner speech of the President of the Court of Justice of the European Union on the occasion of the Meeting of the Network of the Presidents of the Supreme Judicial Courts of the European Union at the Bundesgerichtshof, 27 September 2018, network-presidents.eu.

[31] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 42 et 43.

[32] V. Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) [GC], cit., concernant une demande présentée dans le cadre de l’exécution, en Irlande, de mandats d’arrêt européens émis par les juridictions polonaises. L’affaire, célèbre depuis l’arrêt de la Cour de justice, se poursuit actuellement devant les juridictions irlandaises.

[33] En ce sens, v. par ex. S. Thillaye, L’Etat de droit à travers l’Union européenne, l’année des élections au Parlement européen, in Revue de l’Union européenne, 2019, p. 274.

[34] J.-C. Juncker, Discours sur l’état de l’Union 2017, 13 septembre 2017, europa.eu.

[35] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 38.

[36] V. ibidem, par. 42-45.

[37] V. Cour de justice: arrêt du 27 février 2018, affaire C-64/16, Associação Sindical dos Juízes Portugueses [GC]; arrêt du 6 mars 2018, affaire C-284/16, Achmea [GC]; Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) [GC], cit.

[38] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 47.

[39] V. ibidem, par. 49 et la jurisprudence citée.

[40] V. ibidem, par. 50 et la jurisprudence citée.

[41] V. ibidem, par. 52 et la jurisprudence citée.

[42] V. ibidem, par. 57 et la jurisprudence citée.

[43] V. ibidem, par. 58 et la jurisprudence citée. La position n’est pas nouvelle en son principe, v. déjà Cour de justice, arrêt du 19 septembre 2006, affaire C-506/04, Wilson [GC], par. 49.

[44] Conclusions de l’avocat général Tanchev, Commission c. Pologne, cit., par. 58.

[45] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 27 et seq.

[46] V. ibidem, par. 32: “Lors de l’audience, la Commission a précisé que, par son recours, elle demande, en substance, à ce que soit constatée la violation de l’art. 19, par. 1, second alinéa, TUE, lu à la lumière de l’art. 47 de la Charte”. Nous soulignons.

[47] V. conclusions de l’avocat général Tanchev, Commission c. Pologne, cit., par. 14, et arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 25.

[48] Conclusions de l’avocat général Tanchev, Commission c. Pologne, cit., par. 65.

[49] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 54 et la jurisprudence citée.

[50] V. ibidem, par. 57 et la jurisprudence citée. V. égal. ibidem, par. 77.

[51] Ainsi que la Cour le souligne, et à la différence de l’art. 47 de la Charte, “quant au champ d’application ratione materiae de l’art. 19, par. 1, second alinéa, TUE, que cette disposition vise ‘les domaines couverts par le droit de l’Union’, indépendamment de la situation dans laquelle les États membres mettent en œuvre ce droit, au sens de l’art. 51, par. 1, de la Charte”. Nous soulignons.

[52] Le texte du protocol n° 30 prévoit notamment (v. art. 1, par. 1) que “La Charte n’étend pas la faculté de la Cour de justice de l’Union européenne, ou de toute juridiction de la Pologne ou du Royaume-Uni, d’estimer que les lois, règlements ou dispositions, pratiques ou action administratives de la Pologne ou du Royaume-Uni sont incompatibles avec les droits, les libertés et les principes fondamentaux qu’elle réaffirme”.

[53] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 53 et la jurisprudence citée.

[54] Conclusions de l’avocat général Tanchev du 20 juin 2019, affaire C-192/18, Commission c. Pologne (Indépendance des juridictions de droit commun), par. 99. V. déjà les conclusions de l’avocat général Tanchev, Commission c. Pologne, cit., par. 57, soulignant que l’art. 19 TUE ne doit pas servir de “subterfuge” pour appliquer l’art. 47 de la Charte.

[55] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 60.

[56] V. ibidem, par. 72.

[57] V. ibidem, par. 73.

[58] V. ibidem, par. 75 et la jurisprudence citée. Comme le rappelle l’Avocat général, divers textes de soft law, qui sont autant d’expression d’un consensus normatif, comme par exemple la Charte européenne sur le statut des juges, Conseil de l’Europe, 8-10 juillet 1998, par. 3.4 ou les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, ONU, 1985, par. 12 et 18, reconnaissent la nature de garantie fondamentale à l’inamovibilité des juges et à la sécurité de leur mandat, v. conclusions de l’avocat général Tanchev, Commission c. Pologne, cit., par. 72.

[59] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 76.

[60] Ibidem, par. 79.

[61] V. conclusions de l’avocat général Tanchev, Commission c. Pologne, cit., par. 71, renvoyant à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 25 septembre 2018, requête no. 76639/11 Denisov c. Ukraine [GC], par. 61 et 63. En d’autres termes, comme le souligne avec beaucoup de justesse l’avocat général Tanchev dans les conclusions dans l’affaire A.K. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), cit., répondant à l’argument de l’Etat en cause selon lequel “l’idée que les juges polonais seraient influençables est offensante” (v. par. 62): “En l’espèce, ce qui est en cause est non pas qu’il serait supposé que les juges polonais manqueraient de professionnalisme ou que leurs décisions seraient nécessairement entachées de partialité en l’attente d’une décision du ministre de la Justice qui prolongerait leur mandat, mais bien la question de savoir si l’opinion publique peut légitiment penser que les mesures concernées jettent un discrédit sur l’impartialité de procédures, auxquelles le pouvoir exécutif est partie, qui sont en cours durant cette période délicate, période qui peut persister pendant un temps considérable puisque le ministre de la Justice ne se voit imposer aucune limite de temps pour prendre sa décision”, par. 112.

[62] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 82.

[63] Ibidem, par. 86.

[64] V. ibidem, par. 91.

[65] La Cour y oppose notamment le fait que la mesure de réduction salariale décidée par les autorités portugaises, et jugée conforme au traité dans l’affaire Associação Sindical dos Juízes Portugueses, cit., était “limitée quant à son montant et temporaire”, v. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 92.

[66] Ibidem, par. 96.

[67] Ibidem, par. 109.

[68] Ibidem, par. 111.

[69] Ibidem, par. 114.

[70] Ibidem, par. 117.

[71] Selon les termes de H. Pauliat, Abaissement de l’âge de la retraite des magistrats: une atteinte à l’indépendance de la justice reconnue en Pologne, note sous arrêt CJUE, in La Semaine Juridique, p. 1424 et seq.

[72] V. arrêt Commission c. Pologne [GC], affaire C-619/18, cit., par. 107.

[73] Ibidem, par. 121.

[74] V. ibidem, par. 93.

[75] Sur ce point, v. D. Kosar, Beyond Judicial Councils: Forms, Rationales and Impact of Judicial Self-Governance in Europe, in German Law Journal, 2018, p. 1596.

[76] V. art. 6 du protocole n° 3 sur le statut de la Cour, annexé aux traités. On relèvera toutefois que, pour satisfaire aux exigences de l’indépendance des juges, les cas de révocation doivent être régis, aux termes mêmes de la jurisprudence de la Cour, “par des dispositions expresses”, v. Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) [GC], cit., par. 66. Le statut de la Cour de Justice de l’Union européenne est cependant absolument muet à cet égard.

[77] Pour une première analyse du fonctionnement du comité, v. par ex. B. Vesterdorf, La nomination des juges de la Cour de justice de l’Union européenne Le comité Sauvé (l’art. 255 TFUE), in Cahiers de Droit européen, 2011, p. 601 et seq.

[78] V. Cinquième rapport d’activité du Comité, 28 février 2018, p. 14.

[79] L. Burgorgue-Larsen, Des idéaux à la réalité. Réflexions comparées sur les processus de sélection et de nomination des membres des Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme, in La Revue des droits de l’homme, 2014, par. 54.

[80] Sur ce point, v. par ex. M. Blanquet, Droit général de L’Union européenne, Paris: Sirey, 2018, p. 666, par. 1144.

[81] J.-F. Flauss, Radioscopie de l’élection de la nouvelle Cour européenne des droits de l’homme, in Revue trimestrielle des droits de l’homme, 1998, p. 460.

[82] Sur la question de la durée du mandat des membres des juridictions internationales, v. par ex. G. Guillaume, La situation du juge international. R apport, in Annuaire de l’Institut de droit international, 2011, p. 18 et seq. (et les conclusions tout en nuances).

[83] A. Girardet, La réalité de l’indépendance judiciaire, 2007, www.courdecassation.fr.

 

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